"la faim dans le monde a pris le visage de 3 amis"

Parc des expositions. Nancy, juin 2009.
Des marchands de tout, des gens qui déambulent. Juste avant de partir, un ami à qui je demande si les affaires ont été bonnes me dit : "Non, pas tellement, c'est la crise, mais pour moi, ce n'est pas dramatique comme pour eux. Ils n'ont rien et ont payé très cher leur emplacement. Ils n'ont presque rien vendu et malgré tout, ils gardent le sourire et m'offrent le thé."
Accompagnée d'Iris, 9 ans, je m'approche du stand où s'affairent trois hommes en vêtements traditionnels. Je regarde les bijoux. Un homme prends un bijou à 20 euros et le pose sur ma fille :

 "Ca c'est pour toi". Il le lui offre ! 
Je regarde ses yeux, si foncés, je regarde son regard, si clair... 
Tout en recherchant une bague pour moi, je lui demande : - Quand vous voyagez ainsi, vous logez où ? Il me répond : - Au camping. Je m'étonne : Cela fait trois semaines qu'il pleut et il fait froid et humide. Je sais d'où ils viennent... 
Je lui dit : "Eh ! Bien ce soir, vous ne dormirez pas au camping !" 

Et je leur explique que le temps que la soirée se boucle pour eux, je vais coucher ma fille et je reviens les chercher. 
C'est ainsi que Barka, Mama et Nassamou sont venus vivre quelques jours chez nous. 
Nous nous sommes rencontrés autour des innombrables thés préparés par terre, nous faisant nous sentir, mes filles et moi, des invités dans notre propre maison, autour des repas français ou nigériens et des discussions : 
Le nomadisme devient trop difficile avec la privatisation des terres, le prix de la nourriture pour les vaches et les hommes devient exhorbitant, la sécheresse fait mourir -pour l'instant- les animaux. La vente de bijoux est donc un moyen de survivre.
En quinze jours, la faim dans le monde a pris le visage de 3 amis.
Rien pour moi ne pourrait être vécu de la même façon...



Marie-Eve Thiry, mai 2011
Membre fondatrice de Yaadal